L’Evasion de Lissagray Et son exil à Londres 1871-1880

 

Par Jean Escande

 

 

 

Paru dans :

 

BULLETIN DES SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRES DU TARN

 

1974

 

 

 

 

 

            Il neige sur l'Auvergne, en cet hiver 1783-84. Le marquis François-Gilbert Henry de Salvert-Montroignon, que j'aime à me représenter encore jeune -et beau- erre avec morosité en son château de Clémensat, où le bloquent la neige, l'impécuniosité et la malchance persistante. Il fait froid, dans un vieux château, l'hiver...

 

            Le marquis, officier aux Dragons du Roi « en vacance », car il n'a pas les moyens de soutenir sa charge, est veuf et remarié. Il a des ennuis d'argent ; il écrit à son premier beau-père, qu'il appelle  « mon cher papa » :

 

 

 

Monsieur,

 

 

 

Monsieur Boulon de Boileau,

 

Conseiller au Baillage, et Siège Présidial,

 

Encienne rue de Paris a Senlis,

 

 

 

A Senlis.

 

 

 

            Nos lettres ce serons sandoutte croizez cher papa, mais la votre ma vivement alarmé, votre santé ainsi que celle de ma chère tante de Terigny est fort mauvaise, et votre atshme vous fait beaucoup soufrir, pourqu’oi donc ne pas vous servir de votre Elixir, qui vous fesoit tant de Bien, il faut le continuer et ne pas trop changer de Remède, si vous trouvez qu'il vous donne quelques soulagements, que ne suije, prés de vous je ferois en sorte daléger vos meaux par mes soins assidue et Empressé ; hélas il ny a que ma pensée, qui y soit, mais je vous jure quelle est toujours pour vous, faite votre possible cher papa, pour me donner des Nouvelles qui me tranquilise sur Votre Santé, jusque là je vais estre dans une impatience Extrème… je vous aurois Ecrit plustot mes nous somme assiégé par des Neiges si considérable, quelles Rende les chemeins presque Impraticable.

 

            je serois Enchantez que les bruits qui court dans la capitale et dans votre ville ussent lieu, et que les mousquettaires fussent remis sur pied ; je crois que Mr. le Cte. De Montboissier, qui a quelques bontés pour ma famille, me Reveroit sans peine Rentrer dans son corps, ce ne seroit pas les attrais de paris qui me tanteray, je suis Revenut de la bagatelle, et mon embition la plus vive est de laisser à mes Enfans le peut que le sort m’aura Reservez, d’ailleurs dans mes cartiers je pourois méchaper, et partager un peut mon tgems aec vous mais il faudroit, que ce Nouveau Corp, fut en pied, avant le mois de juin, et que je pussent en y entrant y avoir des appointement, car je vous avoue que la chose me deviendroit impossible sans celaà, puisque je me vois forçés de quitter le Regt. du Roy, ma fortune nétant pas assé considérable pour pouvoir Rejoindre sans appointemens.

 

je me Rappelle que je n’ai pas Repondue à une article d’une de vos lettre au sujet d’un tailleur, je lui et abandonné ma pension, de cette année, jugé de ma position, elle est telle que depuis mon mariage, je vis sur le bien de ma femme, que ce trouve Restraint de prés de la moitié de sa Valeur, par la Modicitté du prix des vins de ce pays cy qui compose une partit de notre Revenue encore sommes nous obligez de tiré dessus 1 200 L. que nous somme tenu par notre contrat de mariage de faire à sa mère, vous voyé par cet exposée que l’abondance ne Règne pas dans notre petit ménage, où nous vivons comme des Reclus surtout dans ce tems, mais enfin je me trouveray heureux, si mes enfans, me savent gré un jour, de ce que j’ai fait pour eux.

 

Daigné cher papa à faire agréé mes très humbles Respects à ma chére maman et à ma chére tante, et me donner aussi de leurs nouvelles, ma femme vous offre aux uns et aux autres, mil Gracieux compliments.

 

nous embrassons tendrements nos Enfans, leur petite sœur se fait trés bien, est trés forte et marche quasy elle Ressemble beaucoup à la petite Estere, Mde. De Salvert ce propose de nourrir celuy quelle porte, sa santé est assé bonne présentement ainsi que la mienne.

 

Soyez linterprette de mes sentimens auprés de toute vottre aimable société ; je suis avec le plus tendre Respect

 

                                                                       Mon cher papa

 

Vostre très humble

 

et très obéissant serviteur

 

De Salvert mont Roignon

 

au chateau de Clemensat ce 20 janv. 1784 Par Clermont ferrand.

 

 

 

 

 

Pauvre marquis de Salvert ! Telle était sa triste position en ces dernières années de la royauté. On voit qu’il était presqu’aussi brouillé avec l’orthographe qu’avec les louis d’or. La Révolution n’allait pas arranger les choses, bien loin de là. Pour sauver sa tête, il émigra : pas loin, en Auvergne, chez lui. Le Comte de Montboissier, dont il se recommande, et qui, lui, était un grand personnage : le plus ancien lieutenant-général de l’armée, émigra pour de bon. A 80 ans, il commandait en 1792 à l’armé des princes les Compagnies rouges, formées des anciens gendarmes et chevau-légers de la Garde du Roi. C’était un Auvergnat, comme Salvert, comme le comte d’Espinchal, qui parle de lui en termes élogieux dans son « Journal d’Emigration » ; à la date du 13 septembre : « Le vent et la pluie n’ont pas discontinué un instant, mais peut-on se plaindre quand on voit tant de vieillards respectables, que l’honneur seul a conduits içi, être ainsi exposés aux injures d’un temps horrible ? »

 

 

 

De son premier mariage avec Marie-Rosalie-Olympe Boulon de Boileau, le marquis avait eu deux filles : Blanche et Esther ; on a vu qu’il en parle dans sa lettre. En 1779, trois mois après la naissance d’Esther, la jeune madame de Salvert mourut : elle avait 28 ans. Le marquis s’était remarié, laissant ses filles à Senlis chez leurs grands-parents maternels : lui, qui abandonnait sa pension à son tailleur pour payer ses dettes et vivait sur le bien de sa seconde femme, n’avait certainement pas de quoi élever les filles de son premier mariage.

 

 

 

La Révolution arriva. Le grand-père des petites, M. Jacques-Pamphile Boulon de Boileau, ancien maire de Senlis, doyen des conseillers du Roy aux ci-devant baillage provincial et siège présidial de cette ville, lieutenant honoraire de la maîtrise des Eaux et Forêts, et l’un des administrateurs anciens de l’hôpital général se Saint-Lazare de Senlis, mourut au début février 1791, peut-être des suites de son « asthme ». Le marquis a disparu, voilà les petites Salvert de nouveau sans protecteur. Puis c’est la Terreur : comme nobles et filles d’émigré, elles seront guillotinées. Heureusement, le représentant du Peuple est bon bougre : il n’arrivera rien aux petites Salvert si deux bons républicains épousent ces aristocrates si dangereuses de 16 et 14 ans…

 

 

 

Il se présente deux officiers de santé de l’armée : Blache et Brun, le double mariage a lieu, immédiatement, « sous la hache », pourrait-on dire. Et voilà comment Lissagaray, le communard, l’auteur des « Huit journées de mai derrière les barricades » et de « L’Histoire de la Commune de Paris », qui faillit être tué en duel d’un coup d’épée en pleine poitrine par son cousin Paul de Cassagnac, le bonapartiste, puis fusillé par les Versaillais de M. Thiers, eut pour grand-mère une aristocrate qui à 14 ans avait frôlé la guillotine, et pour arrière-grand-père un marquis ruiné, émigré, et ancien officier de dragons de Louis XVI…

 

 

 

 

 

            « La petite Estère », devenue veuve du chirurgien Brun, peut-être mort dans quelque bataille de la Révolution ou de l'Empire, épousa en secondes noces Olivier Boussés de Fourcaud, un nom que nous retrou­vons tout au long de cette histoire. Elle en eut une fille Olympe, dont nous allons lire les lettres navrées et douloureuses à propos d'un fils qu'elle ne comprend pas : Olympe est la mère de Lissagaray.

 

 

 

            Maintenant, il faut parler des enfants de Blanche de Salvert, qui épousa le chirurgien Blache sous la guillotine de Senlis : ce fut une belle lignée de médecins. Depuis le XVIIIe siècle, les Blache avaient exercé la chirurgie à Sorèze, dans le Tarn, puis à Lagrasse dans l'Aude. Les enfants du chirurgien de 1793 continuèrent le métier familial. René Blache, son petit-fils, strictement contemporain de Lissagaray (ils étaient nés à quelques mois d'intervalle, en 1839) est avec lui cousin issu de germains ; c'est une parenté proche. Mais les descendants des filles du marquis de Salvert n'avaient pas le moindre point commun. Alors que Lissagaray, anxieux et turbulent, choisissait le large, la mer, les embruns, la guerre de Crimée à 17 ans, son cousin René entrait dans la médecine sans vocation particulière, uniquement parce que son frère Henri venait de mourir en contractant au chevet d'un malade une tuberculose couenneuse ! Il fallait obliga­toirement un médecin dans la famille, et René Blache accepta la place de gaité de coeur. Il ne se plaignait pas de cette vocation, bien au contraire : « Je suis fier d'être le septième du nom de Blache qui pra­tique la médecine », écrit-il.

 

 

 

            Il avait de qui tenir. Son père s'était illustré dans la profession. Gaston Blache était en effet médecin des enfants de Louis-Philippe, médecin de l'Hôpital des Enfants, président de l'Académie de Médecine, commandeur de « l'Ordre Impérial de la Légion d'Hon­neur ». Toutes ses décorations et ses rubans emplissent une caissette. Il est dommage qu'il ne nous ait pas laissé de mémoire sur la famille royale, sur le choléra de 1832 et la Commune à laquelle il assista...

 

 

 

            Gaston Blache était, de toute façon, une personnalité suffisamment en vue dans la médecine de l'époque pour faciliter la carrière et l'as­cension de son fils. Externe des Hôpitaux en 1862, René Blache est reçu docteur en médecine en 1869, à 30 ans, avec une thèse sur « l'Essai sur les Maladies du Coeur chez les Enfants ». Preuve que dans la médecine il choisissait la spécialité paternelle : la pédiatrie. Docile, travailleur et recommandé, René Blache avait tout pour réussir.

 

 

 

            Politiquement, les Blache sont orléanistes. Leur fidélité aux Orléans, exilés comme on sait après la Révolution de 1848, fut constante. …« Inébranlable fidélité dans l'exil à une famille royale qui contribua jadis au succès de son père et à la fortune de son nom » lit-on dans un article nécrologique sur René Blache. « Cet attachement, fait de seule reconnaissance, était si touchant par sa dignité qu'il imposait à tous le respect, tant on le sentait exempt de pose, de calcul et d'arrière-­pensée ».

 

 

 

            C'est en face de ces orléanistes, gens rangés, travailleurs, économes, très XIXe siècle, et dans une famille de juristes en tout point simi­laire, les Boussés de Fourcaud, que vécut dans sa jeunesse Lissagaray. La pauvre Olympe eut bien l'impression d'avoir couvé un canard. Elle est seule avec ce fils de 18 ans, qu'on devine sur les photos nerveux, coléreux, instable. Olympe est sûrement veuve. On est sans renseignements sur Prosper Lissagaray, son mari. Quoiqu'il en soit, en 1857, elle sollicite pour sa « mauvaise tête » de fils le docteur Gaston Blache, son cousin si bien placé, personnage connu et influent :

 

 

 

                                                                                                          Toulouse, le 5 février 1857

 

 

 

Mon cher cousin,

 

 

 

            Dieu veuille que vous soyez à cette heure pleinement rassuré sur les précieuses santés qui causaient votre sollicitude, et que vous même soyez exempt de toute souffrance. Si malheureusement il en était autre­ment, posez ma lettre, car elle vous serait lourde, d'autant que la sym­pathie qui m'associe à vos tourments est déjà contrariée de vous l'impo­ser.        .

 

            Mais quelle mère peut se promettre de rester dans les bornes de la discrétion ? Je ne prévoyais point hier que je les dépasserais encore aujourd'hui. Mon marin a la tête tournée par un nouveau décret que j'ignorais, et qu'il m'adresse de Toulon, me pressant de vous faire une instante prière dont je voudrais, au prix de vingt migraines, pouvoir vous épargner les ennuis. Je sais trop combien votre vie est tiraillée, et vos préoccupations absorbantes pour m'abuser sur son indiscrétion, néanmoins elle a pour mon fils tant d'importance, que j'ose en faire l'objet d'une page séparée sous forme de note détaillée, que je recom­mande à l'intérêt de votre bonne amitié. Si vous pouvez, mon cher cousin, vous voudriez, j'en suis assurée, et si l'impossible s'en mêle, ma gratitude n'en sera pas moins toute à vous...

 

                                                                                   Olympe Lissagaray,

 

                                                                                  née Boussés de Fourcaud.

 

 

 

            Ce nouveau décret porte que les jeunes marins aspirant au brevet de capitaine au long cours, sont autorisés à se présenter aux examens des volontaires pour faire en cette qualité le temps de service voulu sur les navires de l'Etat.

 

 

 

            Voyant l'impossibilité absolue de faire son chemin dans la marine de l'État, Hippolyte Lissagaray désirerait entrer par cette voie dans celle du commerce, et se croit en mesure de remplir les conditions demandées, à l'exception d'une seule, qui consiste dans l'année de navigation exigée pour l'admission au concours. Les navires étant inactifs depuis la paix, il ne peut justifier que de six mois d'embarquement, et c'est la dispense des six autres mois qui lui manquent qu'il sollicite de monsieur le ministre de la marine, afin de pouvoir se présenter à l'exa­men qui peut avoir lieu d'un jour à l'autre. Malgré son désir de compléter son année de navigation, il ne le pourrait nullement, puisque son engagement expire en juin prochain.

 

 

 

            Hippolyte Lissagaray, engagé pour deux ans comme novice, sur le Christophe Colomb, compte dix-neuf mois de service, dont six de navigation, sa campagne de Crimée, et de bons certificats de son commandant. Il serait décevant que tout cela fût perdu pour son ave­nir, et néanmoins tout lui serait infructueux, si la dispense qui fait l'objet de sa demande ne lui était point accordée.

 

 

 

            A travers le style prudhommesque d'Olympe, on voit assez bien se dessiner sa « mauvaise tête » de fils. Il a dix-huit ans, l'autorité paternelle lui a manqué, c'est un inquiet, qui s'est engagé très jeune au moment des assauts de Sébastopol, dont il n'a pas dû voir grand chose, et qui est déçu faute d'un temps de navigation suffisant, il risque de ne jamais être le bourlingueur dont il aimerait tant imposer l'image à sa famille maternelle si bourgeoise : cette famille qu'il mé­prise mais dont il aura constamment besoin.

 

 

 

            Et d'abord, une précision révélatrice sur le prénom. Les ouvrages classiques (La Grande Encyclopédie, le Larousse Encyclopédique) prénomment Lissagaray Prosper-Olivier. Sa famille l'appelle Hippolyte. Prosper est le prénom de son père : Laurent-Prosper Lissagaray, tou­lousain, et d'un de ses oncles maternels : Prosper Boussés de Fourcaud, receveur de l'Enregistrement à Biskra (Algérie). Olivier est le prénom d'un autre oncle maternel. Quant à Hippolyte, que lui inflige sa famille, c'est le prénom du frère aîné de sa mère, avocat à Beaumarchais (Gers), puis à Tarbes, qui joue un grand rôle dans ces lettres, et que Lissagaray devait détester : à travers sa prose, Hippolyte Boussés apparaît comme un honnête homme respectueux de l'ordre social, consciencieux et terne, qui devait exaspérer son neveu « aventurier ». C'est la séparation, classique à l'époque, des « philistins », et des « che­velus » : celle qui existe entre un autre communard célèbre et ses parents : Jules Vallès ; entre Rimbaud et la « mère Rimbe ».

 

 

 

            Lissagaray rejette donc ce prénom d'Hippolyte, incarnation pour lui du juste-milieu le plus ridicule ; quant à sa mère, on voit de quel côté vont ses sentiments et ses opinions, car si elle signe, comme hon­teuse « Olympe L. », elle rectifie immédiatement sous cette simple initiale : «née Boussés de Fourcaud », en toutes lettres.

 

 

 

            Treize ans après, nous retrouvons Lissagaray à Sainte-Pélagie, la prison pour détenus politiques, dont Vallès a parlé avec tant de drô­lerie dans « l'Insurgé ». Qu'avait fait pendant ce temps l'apprenti marin du « Christophe Colomb » ? Il était allé, lui aussi, visiter l'Amérique, puis, sans doute dégoûté des voyages, il avait créé, en 1864, les conférences de la rue de la Paix « qui obtinrent, dès leur début, un très remarquable succès », nous dit Vapereau dans son Dictionnaire des Contemporains. « Il fonda peu après la Revue des Cours Littéraires qui fut assez répandue dans le quartier des Ecoles. Il collabora plus tard à l'Avenir du Gers puis à la Réforme de Paris et fut poursuivi pour offenses envers le gouvernement impérial. Dans un duel acharné avec son cousin, M. Paul de Cassagnac, il reçut une blessure grave. Les circonstances qui amenèrent le duel et les polémiques qui le pré­cédèrent eurent un grand retentissement. » Toujours l'opposition à la famille. Paul de Cassagnac est assez connu : duelliste et journaliste bonapartiste ; Rimbaud s'est moqué de lui dans un poème que per­sonne n'a lu à l'époque : « Morts de 92 et de 93... Messieurs de Cassagnac nous reparlent de vous » ; les petits journaux violents et orduriers qui suivirent 71 l'appellent « Crachagnaf », et il inspira un moment des sentiments à Marie Bashkirtseff.

 

 

 

            Lissagaray est détenu pour délit de presse. Il écrit à son cousin René Blache sur papier à en-tête de « L'Avenir, Journal Démocratique du Gers et des Hautes-Pyrénées, place Saint-Jacques, 4 ». La ligne imprimée : « Auch, le... » est barrée et remplacée par :

 

 

 

                                                                                                          Sainte-Pélagie, le 12 février 70

 

 

 

            Mon cher René,

 

 

 

            J'ai voulu profiter des loisirs forcés que me tient (sic) la Justice pour soigner mon éxéma persistant à la main droite et qui l'hiver refleurit avec acharnement. J'ai demandé à cet effet qu'une chambre spéciale me soit donnée à Saint-Louis. La police qui autorise en principe mon transfèrement me demande cependant une lettre du Directeur de Saint-Louis attestant qu'on peut m'y recevoir dans une chambre. J'ai pensé, mon cher René, qu'une lettre de mon cousin, qui appuierait la demande ci-jointe, lèverait toutes les difficultés et je vous serais bien obligé de le prier d'apostiller cette pièce que vous voudriez bien jeter à la poste.

 

            Maintenant, à vous spécialement je demande d'être assez aimable pour me recommander aux internes de l'hôpital, parmi lesquels vous devez avoir plus d'un ancien camarade.

 

            A vous de cœur.

 

                                                                                                                                  Lissagaray.

 

 

 

            Voulez-vous bien adresser votre réponse (je ne parle que de celle qui me serait personnelle, car vous voudriez bien jeter à la poste le cert. pour Saint-Louis) 25, rue de Douai, à mon domicile, ayant refusé de recevoir mes lettres içi depuis que le greffe les décachète.

 

            Ma main avariée excuse mes griffonages.

 

 

 

            Au mois de mai 1870, Lissagaray est condamné à un an de prison et à 2.000 francs d'amende « à la suite de discours prononcés dans des réunions publiques ». Il a 33 ans. Son destin va commencer.

 

 

 

            La guerre désastreuse avec la Prusse s'étant terminée comme on sait à Sedan, la République fut proclamée le 4 septembre. C'est le moment de gloire de Lissagaray : celui où il est du côté du manche... Il peut enfin endosser ce costume de Représentant du Peuple, dont toutes les générations républicaines rêvent depuis 93. Curieusement, les futurs communards, qui n'ont pour la plupart jamais fait de service militaire, sont hantés de gloire militariste. « Ils m'ont accueilli un peu comme un officier d'irréguliers en détresse, que la mort de son père -un régulier à chevrons- a rappelé par hasard » dit Vallès à pro­pos de collégiens dont il est le pion. Lissagaray, lui, se présente comme « un ancien combattant sans doute, mais qui n'a été ni membre, ni officier, ni fonctionnaire, ni employé de la Commune, un simple du rang, qui a connu les hommes de tous les milieux... » Il y aurait une étude à faire sur le « complexe de l'ancien combattant » chez tous ces militaires ratés qui, n'ayant eu ni Sébastopol ni Solférino, se jetèrent dans la guerre civile par compensation.

 

 

 

            Voilà donc Lissagaray, nouveau Saint-Just, expédié en province par le gouvernement de la Défense Nationale et nommé général de division avec mission d'organiser les camps d'instruction. C'était du côté de Toulouse, où habitait sa mère, et d'une parfaite inefficacité.

 

 

 

            En mars 1871, Lissagaray prend parti pour la commune, fait paraître « l'Action », qui a trois numéros dans lesquels il demande « la suppression sans phrase » de tous les journaux qui font opposi­tion au mouvement communaliste : c'est encore le ton de 93, la pureté et la sévérité jacobines. La suppression fut décrétée le 19 mai. Mais auparavant, les événements s'étaient précipités. La marche des Fédé­rés sur Versailles le 3 avril, ayant échoué, et ses chefs faits prison­niers fusillés sans jugement par « les ruraux » -car la province ne suit pas les « convulsions de Paris »- la commune riposte le 5 avril par le Décret des Otages :

 

 

 

Article I. Toute personne prévenue de complicité avec le gouverne­ment de Versailles sera immédiatement décrétée d'accusation et incar­cérée.

 

Article V. Toute exécution d'un prisonnier de guerre ou d'un parti­san de la Commune de Paris sera sur-le-champ suivie de l'exécution d'un nombre triple des otages (Journal officiel de la Commune).

 

 

 

            Gaston Blache, l'ancien médecin des enfants de Louis-Philippe, de­mande, par l'intermédiaire de son neveu Lissagaray, l'autorisation d'aller rendre visite à M. Deguery, détenu à la Roquette, justement comme otage. Ce M. Deguery était curé de la Madeleine. Bien en cour, il avait été chargé en 1860 de préparer le Prince impérial à sa communion solennelle. « Sorte de Morny en soutane », dit de lui Lissagaray dans son Histoire de la Commune. La demande fut refusée.

 

 

 

Préfecture de Police

 


Cabinet du Secrétaire Général

 

                                                                                                                      Paris, le 6 avril 71.

 

 

 

Mon cher cousin,

 

 

 

            Il paraît que M. Deguery est au secret le plus absolu malgré mes demandes instantes le…… n'a pas cru pouvoir faire exception à la règle générale qui isole les détenus de toute commu­nication avec le public. Croyez bien mon cher cousin à mes regrets les plus vifs et malgré cet échec je reste à votre disposition si je peux vous être utile dans une autre circonstance.

 

 

 

                                                                                                          Votre dévoué,

 

                                                                                                           Lissagaray.

 

Hôtel de la cité Bergère Bd Montmartre.

 

 

 

 

 

            Gaston Blache s'était rendu lui-même suspect en allant voir quand même Deguery à la Roquette. D'après des papiers de famille, Lissagaray l'aida à se réfugier à Senlis, où les Blache possédaient une maison. Le docteur Blache s'y consola des malheurs du temps « en feuilletant d'anciens papiers de famille ». Le 3 mai 1871, il écrit à sa fille Blanche : « Un de nos ancêtres, bourgeois de Senlis, ayant été envoyé comme otage lors du 1er siège de Senlis en 1418, a été décapité, parce que des renforts étant survenus aux Senlissiens, ils ont repoussé l'assiégeant qui s'est vengé en mettant l'otage à mort. Pourvu que nos affreux rouges n'en fassent pas autant à notre pauvre archevêque ou à M. Deguery sous quelque fallacieux prétexte ».

 

 

 

            Le docteur était bon prophète : le curé de la Madeleine fut exécuté au moment de la Semaine sanglante (21-28 mai). Et la Commune se termina par l'atroce répression que l'on sait. Si elle n'avait pas tenu sa promesse d'exécuter « un nombre triple d'otages pour un de ses parti­sans tués », le gouvernement de Versailles, moins bavard mais plus efficace, porta à 20.000, selon les estimations les plus modestes, les exécutions sommaires de fédérés ou présumés tels. « On a fusillé plus d'hommes qu'il n'y en avait derrière les barricades ». C'est le retour de bâton. Le 12 juin, Lissagaray, en fuite écrit à ses cousins Blache à son tour en demandant leur aide :

 

 

 

                                                                                                                      Lundi 12, 8 h du soir.

 

 

 

Mon cher cousin,

 

 

 

            Le dimanche 28, alors que l'on fusillait en masse tout ce qui avait nom républicain, j'ai trouvé asile chez une personne dévouée. J'y suis encore aujourd'hui, ne courant à peu près que le risque d'être envoyé à Cayenne comme tout républicain, qu'il ait ou non occupé une fonction sous la Commune. Bien que ce dernier cas soit le mien, n'ayant rien été depuis le 28 mars, mon sort, si je suis pris, n'est pas douteux.

 

            M'excuserez vous d'avoir pensé que vous pourriez peut-étre me faire obtenir un passeport soit pour l'étranger soit pour l'Intérieur, Sedan ou Saint-Nazaire (dont les sous-préfets me doivent leurs places) -ce qui me permettrait de passer soit en Belgique soit en Angleterre.

 

            M'excuserez vous en outre de vous demander de vouloir bien m'avancer les fonds nécessaires à mon départ et à mon premier séjour à l'étranger -d'où je pourrais m'acquitter en peu de temps.

 

            J'espère que oui ; mes amis sont tous dispersés par les mêmes raisons que moi. Je ne puis recourir à personne qu'à vous dont j'ai appris l'arrivée à Paris aujourd'hui même et à qui je n'ai pas hésité à m'adresser par le double motif que vous m'avez témoigné de l'affec­tion et que je n'ai rien fait pour la (?)

 

                                                                                                                                 Lissagaray.

 

 

 

 

 

            Je ne pourrai certainement continuer d'occuper mon asile au­-delà d'après-demain. C'est 8 rue Rossini, chez Madame De Noix (ce nom est le seul que connaisse le concierge qui ignore ma présence dans la maison). Ce ne serait donc pas à mon nom mais au nom de M. De Noix que vous... (Le feuillet s'arrête là).

 

            La chasse à l'homme se fait plus pressante ; trois jours après, le 15 juin, Lissagaray écrit à nouveau :

 

 

 

                                                                                                                      Jeudi 15, 11 h.

 

Mon cher cousin,

 

 

 

            J'ai été découvert ; ce matin on a fait une perquisition, à laquelle je n'ai échappé qu'à force de bonheur et de sang-froid. Mais il faut que je quitte au plus tôt la France et je ne le puis sans argent, 7 à 8 000 F. sont nécessaires à mon départ. Veux-tu me rendre le service d'écrire immédiatement à madame L. 34 rue de la Pomme pour lui demander de t'autoriser à mettre cette somme à ma disposition. Comme toutes les lettres à cette adresse peuvent être décachetées par la police, tu pourrais dire qu'il s'agit de me faire parvenir cet argent à Londres où je suis réfugié.

 

            Tu comprends que, pour mille raisons, je n'écrive pas moi-même. Je te demande de plus, comme condition sine qua non de cette démarche, qu'elle paraîsse venir spontanément et exclusivement de toi ; en un mot que je paraisse l'ignorer aux yeux de Madame L.

 

            Permets-moi de compter sur ton amitié dans cette circonstance si critique, et surtout (?) recommandations. Brûle ma lettre.

 

                                                                                                                                 A toi de coeur.                                                                                                                                  L.

 

J'enverrai prendre ta réponse chez ton concierge. Fais-là au nom de M. Boussés.

 

 

 

Ainsi, le premier faux nom qui vient à l'esprit du fugitif est le nom de jeune fille de sa mère : elle habitait 34, rue de la Pomme, à Toulouse, qui par prudence n'est pas mentionnée. René Blache se conforme aux volontés de son cousin. Il fait le brouillon de sa lettre à sa tante Olympe sur la lettre même du proscrit. Et il garde le tout par devers lui comme pièce à conviction, ce qui nous permet aujourd'hui de le lire... Voici ce brouillon griffonné, presque illisible, qui contraste violemment avec l'écriture en pattes de mouche de Lissagaray :

 

 

 

            Je viens de recevoir une lettre de votre pauvre fils qui avait eu assez de sagesse pour ne pas se mêler aux énergumènes qui voulaient nous gouverner pendant la Commune, mais dont la Prison et surtout les antécédents politiques le font aujourd'hui rechercher activement. Mon père, à qui Hip. s'est d'abord adressé il y a une huitaine de jours, lui a fait remettre 100 F. pour l'aider à se sauver en Angle­terre et c'est de là qu'il m'écrit qu'il est dans la plus affreuse misère ; il voudrait que je puisse lui avancer 7 à 800 F. pour l'aider à vivre (?) un mois ou deux.

 

            Je vous avoue que je ne puis faire cette avance de fonds sans que vous m'y autorisiez. Veuillez donc me répondre si je puis faire porter cette somme ou tout autre à votre pauvre fils.

 

 

 

            Au reçu de la lettre, Olympe se méfie : elle redoute que cette demande d'argent ne soit une nouvelle carotte que son fils, dont elle n'approuve ni le genre de vie, ni les convictions, cherche à lui tirer. La « rue de Surène » dont elle parle désigne René Blache lui-même auquel elle écrit, et dont c'était le domicile (n° 5). Les « Frères et Amis » sont les membres de la Commune réfugiés et cachés à Toulouse, et qu'elle soupçonne de vouloir lui extorquer de l'argent. De même «l'ambassadeur» est évidemment un des anciens communards mis au courant par Lissagaray lui-même de l'adresse de sa mère, et de la lettre qu'il a écrite à René Blache.

 

 

 

 

 

 

 

Ce 4 juillet 1871.

 

 

 

 

 

            Pardonnez, bien cher cousin, la peine et l'embarras que si involontai­rement je vous donne. Une fois de plus, je vous remercie vivement, sans le pouvoir faire selon l'appréciation de vos bontés.

 

            Le message du 27 juillet (erreur manifeste pour juin) m'est parvenu le 2 courant. Je vous laisse à penser si maintenant le froid gagne les os, en songeant que votre conviction n'est plus une certitude. Pendant que tout allait comme vous le dites, voici ce qui se passait ailleurs. Ma réponse partie, j'appris que celui qui en était l'objet, avait donné avis aux frères et amis, quune lettre de la rue de Surène était dans les mains de sa mère, que l'un d'eux, aussi complètement inconnu d'elle que tous les autres, devait aller au nom de tous la trouver pour lui demander de l'argent, suivant l'instruction reçue, et se charger d'en faire la remise personnellement. Tout cela ayant été dit à la seule personne connaissant bien ici les situations respectives, (c'est d'elle­-même qu'elle parle) elle s'empressa de détourner l'ambassadeur, en l'assurant (avec grande vérité)) qu'il ne serait point reçu, et que d'ailleurs réponse avait été faite, à cette lettre, dont on connaissait si bien l'existence.

 

            Après tout ce que vous avez bien voulu faire pour moi, je n'ai pas cru devoir garder le silence sur ces étrangetés, dont la connaissance peut avoir son utilité.

 

            J'espère que de partout, vos nouvelles de famille sont heureuses. Encore et toujours, pardon et merci, cher cousin, croyez à la mémoire de mon coeur, comme à tous mes sentiments d'affection.

 

                                                                                                                                 Olympe L.

 

                                                                                                          née Boussés de Fourcaud.

 

 

 

            Deux jours après, le 6 juillet, Lissagaray, sauvé, écrit de Londres ce bref billet à son cousin :

 

 

 

M. argaing                                                                                                                Londres 6 juillet

 

 

 

                                                                                                                      Fulham road 18 S. W.

 

Mon cher René,

 

 

 

            Je t'envoie mon petit bonjour et mes grandes amitiés, de Londres où je suis arrivé sain et sauf par une sorte de miracle et l'audacieux dévouement de mes amis.

 

                                                                                                                                 Mille amitiés.

 

                                                                                                                                 Lissagaray.

 

 

 

 

 

            Olympe écrit à Gaston et à René Blache pour les remercier de l'aide qu'ils ont apportée à son fils : on y voit, mis à nu, les sentiments qu'elle éprouve à son égard.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                          Ce jeudi 13 juillet 1871.

 

 

 

Mon cher cousin,

 

 

 

            J'étais fort tristement au reçu de votre billet, et je suis si malade encore que je ne puis vous en remercier aujourd'hui que par un billet aussi. Veuillez y trouver toute ma gratitude pour votre amical souvenir et votre communication. Je me demande pourquoi l'habitant de la rue Caumartin n'a pas mis l'autographe qui en fait l'objet sous les yeux de la rue de Surène, comme preuve de l'exactitude de son résumé ? Et je me dis aussi que lorsqu'un fils veut obtenir l'appui de sa mère, il doit s'adresser à elle pour le demander. Içi, les frères et amis, dont la persécution indirecte ne me manque pas, se vantent d'avoir envoyé cinq cent francs, à l'époque où j'en fis compter 200. C'est donc 700 F. qu'on aurait reçus. Quoiqu'il en soit, et quoi qu'on fasse, il en est ainsi de certaines natures, que le jour qui apporte de l'argent, est la veille de celui où l'argent manque.

 

            Dès que ma santé le permettra, j'écrirais à mon cousin René, ne fut-ce que pour m'excuser de tous les ennuis qu'on lui donne. En atten­dant veuillez, à son retour, lui rendre la missive qui lui appartient, et que je joins içi ».

 

 

 

            (Il doit s'agir de la lettre du jeudi 15 juin).

 

 

 

            « Henri est toujours à Paris, s'obstinant dans sa détresse et son mutisme, malgré la main qu'on lui tend, et les lettres qu'on lui écrit. Il était depuis deux mois à Grenelle, rue de l'Ourmel 23, chez M. de Valette ; maintenant j'ai perdu ses traces, et c'est par voie indirecte, que j'ai su qu'il avait échappé aux dures épreuves du siège, et aux recherches de la hideuse commune. Douleur partout ! »

 

 

 

            La pauvre femme n'avait pas de chance avec ses enfants, malgré leurs opinions diamétralement opposées...

 

 

 

                                                                                                          Toulouse ce 20 juillet 1871.

 

Mon cher cousin,

 

 

 

            Au retour d'une courte absence, je trouve votre lettre, et je viens de la lire, avec le sentiment le plus pénible et aussi le plus reconnais­sant. Au milieu de la forte douleur qu'elle me cause, je vous remercie beaucoup de votre sage prudence à me consulter, avant de rien accor­der.

 

            Hippolyte a fait de sa vie un tissu de désordre et d'aberration. Il a fait de la mienne un enchaînement de malheurs. Vainement, par tous les efforts réunis du dévouement et de l'affection, mon frère et moi avons mille fois tenté de l'arracher à la voie funeste qui l'a conduit où il est. Vainement encore nous lui avons tendu la main par de nombreux sacrifices, et d'incessants conseils ; il n'y a répondu, qu'en reniant sa famille, pour courir plus librement à l'abîme et tout ce que nous avons fait pour l'y soustraire, a été méconnu et insulté.

 

            J'apprends aujourd'hui par vous, cher cousin, l'accomplissement de tout ce que je redoutais. Et malgré l'affliction profonde qui me fait oublier de saignantes blessures, pour plaindre de toutes mes entrailles un malheureux dont je me sens toujours la mère, je ne puis me donner le soulagement de lui venir en aide, dans la pro­portion de la demande qu'il ose vous adresser outre que la multipli­cité des sacrifices faits au passé ne me permet pas, une longue et triste expérience m'enseigne, que dans les mains d'Hippolyte, l'argent ne fait que passer, sans y laisser la part des besoins du lendemain.

 

            Pardonnez bien ces détails, si pénibles à donner, si fatigants à recevoir mais aussi si nécessaires, pour vous faire comprendre à quel point vous avez été bien inspiré, en me faisant connaître une indis­crète prière, avant d'y céder en rien. A mon tour, j'userai de la même prudence et de la même franchise, pour vous prier instamment de n'accueillir, ni la demande actuelle d'Hippolyte, ni aucune autre de même nature, qu'il pourrait directement ou indirectement adresser, soit à vous, soit à votre père, et dont, loyalement et d'avance, je dé­cline la responsabilité. Si dans la cruelle leçon qu'il se donne, mon mal­heureux fils retrouve la lucidité de sa raison, et le sens sacré de la famille, il comprendra l'initiative que son devoir lui impose, et celle que le simple respect de moi-même me défend.

 

            En attendant, cher cousin, puisque votre bienveillante démarche m'y autorise, permettez-moi de vous confier le soin d'envoyer de suite à ce pauvre égaré, là où il s'est réfugié en Angleterre, la petite somme de deux cent francs que vous trouverez sous ce pli. Avec toutes mes excuses, et toute ma gratitude, j'y renferme aussi un billet de cent francs, pour votre excellent père, en remboursement de pareille somme, que vous m'apprenez avoir été obtenue de sa bonté, pour fuir le pres­sant danger, en quittant la France.

 

            Bien que la reconnaissance me soit très douce, à l'endroit de vous deux, croyez que je souffre beaucoup de l'importunité dont vous avez été l'objet, et beaucoup aussi de tout le mal que je vous donne. J'ai néanmoins confiance en votre indulgence, pour l'oeuvre d'une main fébrile, et le désordre d'un esprit bouleversé. Pour me reposer de tant d'émotions poignantes, je garde l'aimable espérance de vous revoir ici, mon cher cousin, et d'y faire la connaissance de ma charmante cousine, et de son beau nourrisson. J'aime à penser que vous avez de bonnes nouvelles de tous vos chers absents veuillez partager avec eux tous mes sentiments de coeur.

 

 

 

                                                                                                                                 O. Lissagaray.                                                                                                          née Boussés de Fourcaud.

 

 

 

P.-S. - N'étant pas fixée sur les frais d'expédition à l'étranger, veuillez me faire connaître ce dont je vous serais redevable, pour l'envoi des deux cent francs, franco, en Angleterre. Ne pourrai-je aussi savoir l'adresse du fugitif ?

 

 

 

            On comprend fort bien que la famille de Lissagaray n'ait pas voulu payer les frais d'un engagement politique qu'elle désapprouvait si com­plètement. Cependant, malgré les envois d'argent, la vie du proscrit restait précaire. La lettre d'un « Frère et Ami », sans date, mais mani­festement d'août 1871, puisqu'elle fait état du dernier envoi d'Olympe, est très claire à cet égard :

 

 

 

                                                                                                          Paris, rue Caumartin, 12,

 

                                                                                                          samedi matin.

 

Monsieur le Docteur,

 

 

 

            J'ai reçu un mot de Londres ; on me dit qu'on y est à peu près sans le sou... Je ne puis malheureusement, pour le moment, éloigné comme je le suis de ma famille et de mes affaires, envoyer quoi que ce soit. Me rappelant ce que vous m'avez dit des intentions de votre cousin de Toulouse, je me dis que vous pourriez peut-être frapper de nouveau à cette porte : il y a déjà quinze jours que les 200 F. dont vous avez été chargés ont été remis ; on comprendra certainement que cette somme a dû être depuis longtemps et facilement dépensée avec un si long voyage et dans un pays où la vie est aussi chère qu'en Angle­terre, surtout pour les étrangers. Les premiers temps du séjour seront les plus difficiles : plus tard il pourra peut-être se suffire à lui-même, surtout si, comme nous l'espérons, ses amis peuvent lui faire obtenir une correspondance de journal.

 

            Permettez-moi de compter sur vous et permettez-moi de vous rap­peler qu'il y a urgence, car la misère est une triste chose et une bien mauvaise conseillère.

 

                                                                                                                      Votre bien humble.

 

A.     Lujanel.

 

B.      

 

Voici l'adresse à Londres : M. Argaing, Fulham road, 18, S.W. London.

 

 

 

            Ainsi donc, non seulement Lissagaray est incapable de gagner sa vie, comme le firent à l'époque tant d'ouvriers exilés à Londres ou à Bruxelles, en pratiquant leur premier métier, mais encore il est inca­pable de mendier lui-même : sa fierté lui fait demander de l'argent à sa mère par l'intermédiaire d'un ami et de son cousin ! Au fond, comme n'importe quel fils de famille qui aurait entretenu des danseuses ou fait des dettes au jeu... Cette existence lamentable dura longtemps, puisque toutes les lettres n'ont trait qu'aux demandes pressantes d'ar­gent qu'il fait à sa famille. Quatre ans après, en 1875, il est toujours en Angleterre ; il a fart paraître « Les Huit Journées de Mai derrière les barricades » (Bruxelles, 1871), et provoqué en duel, qui a fait long feu, Pont-Jest, rédacteur du Figaro, auteur d'articles où il attaquait les réfugiés français à Londres. En 1875, Hippolyte Boussés de Fourcaud, frère d'Olympe, écrit à René Blache :

 

 

 

                                                                                                                      Tarbes, le 30 juin 1875.

 

Mon cher cousin,

 

 

 

            Votre pauvre père (locution commune dans le Midi pour désigner un défunt : Gaston Blache était mort le 18 septembre 1871) avait toujours été si parfaitement bon pour moi et pour tous les miens que je n'hésite pas à vous demander quelques renseignements, et même, si vous le pouvez, votre concours dans une circonstance très pénible pour ma soeur qui est très souffrante en ce moment-ci, et à laquelle les émo­tions n'ont pas manqué ces derniers jours, au milieu des malheurs inouïs qui sont venus s'abattre sur Toulouse. (Des inondations).

 

            Je ne vous apprends rien, mon cher René, en vous disant tous les chagrins de ma pauvre soeur à l'endroit de ses enfants, et notamment d'Hippolyte Lissagaray, l'un d'eux, qui s'est fait depuis longtemps une si triste notoriété. Vous savez qu'à la débâcle de la Commune, sous laquelle il avait été cependant été assez prudent pour ne jouer qu'un rôle très secondaire et très effacé, je crois, il sortit de Paris, et parvint à se réfugier à Londres, où il se trouve encore aujourd'hui, sans avoir su malheureusement rompre avec ses tristes compagnons d'exil. Depuis quatre ans, il écrivait de loin en loin à sa mère quelques lignes bien froides, bien sèches, lorsqu'il avait besoin d'argent, et qu'il avait à lui demander de venir à son secours ; la pauvre femme n'y manquait pas ; et j'aurais préféré pour son compte qu'il lui demandât une fois pour toutes de lui venir en aide au moyen d'une petite pension; car chacune de ses lettres est pour elle une occasion de commotion dou­loureuse, dont sa santé délabrée n'a certes pas besoin.

 

            Aujourd'hui elle vient d'apprendre par une personne venant de Londres d'abord, et par lui-même ensuite, en réponse à une lettre qu'elle lui a écrite en lui envoyant un nouveau secours, qu'il se trouvait dans un état de santé déplorable et de nature à inspirer les plus vives inquié­tudes, et dans l'impossibilité d'avoir dans sa chambre les soins dont il a besoin, surtout en pays étranger.

 

            ... Je désirerais donc bien, et ce serait un grand soulagement pour moi-même, de savoir ce qu'il en est réellement de l'hôpital français de Londres, s'il est fondé uniquement sur la charité, et sur l'aumône, s'il ne serait pas possible, dans touts les cas, d'y faire admettre un malade pour lequel on paierait une petite subvention, et quelles seraient les démarches à faire et les conditions à remplir pour cela. Je vous serai bien reconnaissant, mon cher cousin, d'avoir la bonté de m'écrire quelques lignes à ce sujet aussitôt que possible, l'inquiétude de ma soeur étant extrême, et désirant beaucoup, si c'est possible, pouvoir la calmer un peu...

 

                                                                                                                                 A vous de coeur.

 

                                                                                                          H. Boussés de Fourcaud.

 

 

 

P.-S. - Mon neveu dont l'état de santé fait le sujet de ma lettre demeure à Londres : 35 Fitzroy-street - Fitzroy-square.

 

 

 

            Au moment même où je ferme ma lettre j'en reçois une autre de ma soeur dont l'inquiétude est bien grande ; vous ferez vraiment une bonne oeuvre si vous pouvez me prêter votre concours ; si même vous connais­siez quelque confrère à Londres, est-ce que je ne pourrais pas vous prier de lui demander de passer à l'adresse ci-dessus et de vous écrire un mot il est bien entendu que je vous enverrai immédiatement les honoraires de sa visite.

 

 

 

            Suit un billet laconique à René Blache, de Lissagaray, qui n'avait pas la plume facile pour sa famille, dont il ne dédaignait pourtant pas les soins :

 

 

 

Londres 5 juillet
35 Fitzroy st.
Fitzroy sq.

 

 

 

            Mon cher René, j'ai vu aujourd'hui le Dr Vintras qui a été très aimable, mais qui m'a dit, tout en offrant de me faire entrer à l'hôpi­tal, que ce n'était pas ce qui pouvait guérir les 3 ou 4 affections dont je suis atteint - c. q. je savais très bien.

 

            Je ne vous en remercie pas moins et ne peux guère vous rendre votre poignée de main, les deux miennes étant rongées par un affreux eczéma.

 

                                                                                                                                             A vous.

 

                                                                                                                                 Lissagaray.

 

 

 

            Ce docteur Vintras, que devaient connaître les exilés français à Londres, est-il à l'origine du pseudonyme que s'est donné Jules Vallès dans les biographies à peine déguisées que sont «L'Enfant », « Le Bachelier » et « L'Insurgé » ? Jacques Vingtras ? Ce serait assez curieux, Lissagaray et Vallès, bien que du même côté de la barricade, n'ayant guère montré de sympathie l'un pour l'autre : ils évitent, cha­cun dans leurs écrits, de parler de confrères en bouleversement social quand ils sont encore vivants, réservant leurs couronnes mortuaires pour Férré, Dombrowski et les fusillés anonymes de mai. Encore Lissagaray se montre-t-il plein de dédain pour Rossel, qui a été fusillé par les Versaillais, mais qui était militaire de carrière. Quant à Vallès, sorti d'une famille pauvre, resté pauvre, il ne devait éprouver que mépris pour Lissagaray, fils de bourgeois et si bourgeois dans ses réactions : il ne parle jamais du « fils à papa ». Le fait que tous deux aient été journalistes devait contribuer aussi à leur animosité. Et puis, il est connu qu'on ne se hait bien qu'en famille.

 

            Six mois après le diagnostic du docteur Vintras, l'oncle Boussés remercie René Blache.

 

 

 

                                                                                                          Tarbes, le 16 janvier 1876.

 

 

 

            .... Ma pauvre soeur Olympe a traversé de bien mauvais mois depuis quelque temps, et sa santé nous a donné bien de l'inquiétude ; elle est un peu mieux aujourd'hui, et est toujours bien reconnaissante du bon concours que vous nous avez prêté à l'occasion de son fils en écrivant à votre confrère de Londres et nous mettant ainsi en rapport avec lui ; on ne peut rien imaginer de plus obligeant et de meilleur que les lettres que cette recommandation nous a values de sa part ; et je ne saurais assez vous dire combien, ma soeur et moi, nous en avons été touchés ; quant à mon malheureux neveu dont la santé, quoique mauvaise, était moins atteinte que nous le croyons, après avoir passé quelque temps à Jersey, le long de la mer, sur le conseil du docteur et s'en être bien trouvé, il est rentré à Londres où sa mère lui a envoyé des secours de toute sorte à différentes reprises ; que fait-il en atten­dant ? Il est assez difficile de le savoir au juste ; il compte, dit-il, sur une amnistie prochaine qui lui permettrait de rentrer en France ; mais je le crains, parce que j'ai peur qu'une fois rentré il ne se jette de nouveau dans les intrigues politiques ; combien de gens n'y a-t-il pas pour lesquels le passé ne sert jamais de leçon ! Nous sommes ici, comme dans tout le reste de la France, dans les préoccupations électo­rales ; le parti franchement conservateur paraît du reste dans ce pays résolument décidé à s'unir et à marcher contre le radicalisme ; et j'es­père qu'il réussira à envoyer soit au sénat, soit à la chambre des dépu­tés des représentants de bon alloi ; quelques personnes auraient voulu que je me présente mais malheureusement ma position de famille ne me permet pas de m'absenter, et je me bornerai à travailler avec les honnêtes gens au succès de la cause commune...

 

 

 

            On voit rarement famille aussi désunie... Quant au pauvre Lissa­garay, il ne fut pas compris dans l'amnistie de 1879, sur laquelle il comptait depuis si longtemps. A Jersey, il devait se répéter les vers d'Hugo sur les Proscrits....

 

 

 

            Le 22 février de la même année 1876, Olympe félicite son cousin René de la naissance de sa fille Marie-Amélie Blache, qu'on appelait Mab, et que j'ai connue, vieille dame charmante, au Plessis-Chamant dans les années 1950 (1)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                          Toulouse ce 22 février 1876.

 

Mon cher cousin.

 

 

 

            J'ai reçu il y a deux jours la bonne nouvelle, et je vous remercie de m'avoir si justement comptée parmi ceux qui sont heureux de vous savoir un bonheur de plus. C'est donc de tout coeur que je vous félicite, avec ma charmante cousine, de la bonne venue de cette chère petite fille que j'aime double déjà pour le souvenir qu'elle me vaut, et l'occa­sion qu'elle me donne de me rapprocher de vous. J'espère qu'elle n'aura pas trop coûté à sa mère, dont je hâte de tous mes voeux le rétablis­sement.

 

            Vous avez assûrément deviné que le retard de ma lettre n'était pas celui de ma reconnaissance. J'ai passé par tant d'ébranlements, cette année, que c'est à peine si je commence à revenir sur l'eau. Depuis qu'en devenant mon bon ange à Londres vous avez appellé sur le malheureux égaré l'intérêt et les soins les plus providentiels, combien de fois j'ai lutté avec la souffrance pour essayer de vous dire tout ce qui m'en restait au coeur de juste et profonde gratitude ! Voyez-le bien, j'en ai besoin car je ne pourrais jamais bien traduire le sentiment gardé à ce que je vous dois, alors surtout que tout ce que vous avez fait ce (sic) centuplait par ses pénibles circonstances.

 

            ... Comme vous le savez déjà, grâce à Dieu, grâce à vous et au bienfaisant Docteur de Londres auquel vous avez communiqué votre dévouement, la santé d'Hippolyte fut reconstruite assez promptement. Après de si rudes leçons, en sera-t-il un jour de même de la consti­tution morale ? Hélas ! Je le désire plus que je ne l'espère et placée entre les frayeurs du passé et les frayeurs de l'avenir, je ferme les yeux pour ne point voir.

 

            Que toutes les joies de famille illuminent toujours votre foyer, pour vous, cher cousin, et pour mon aimable cousine, ce souhait les renferme tous ; ensemble acceptez-le comme un bon présage, et un bon sentiment d’affection...

 

                                                                                                                                 O. Lissagaray.

 

                                                                                                                                 née B. de F.

 

 

 

            Toujours cette même année 1876, le 12 mai, l'oncle Boussés écrit à René Blache, de Tarbes « Je suis enfin en possession, mon cher cousin, de la copie du portrait de notre grand-père de Salvert que je vous avais promise, et je m'empresse de vous l'adresser ; il me paraît très bien réussi ; je regrette de n'avoir pu vous l'envoyer plus tôt, mais je tenais à ce qu'il fût fait à Toulouse par un photographe dont je connais l'habileté... »

 

 

 

            Après avoir donné des nouvelles de sa propres famille, il parle de la descendante du marquis qui, cent ans auparavant, avait mangé son héritage :

 

 

 

            « ... La santé de ma pauvre soeur Olympe me chagrine beaucoup ; car voilà bien des mois qu'elle est faible, maladive, sans appétit, et avec la fièvre qui revient souvent, je voudrais qu'elle vint respirer notre bon air mais elle ne s'est pas trouvée encore assez bien pour oser entre­prendre le voyage....

 

            Le docteur Vintras a été très bon pour son fils l'année dernière ; mais comme il a poussé l'obligeance jusqu'à refuser tout honoraire, elle n'ose pas lui écrire de nouveau, et craint d'être indiscrète en le faisant. Est-ce que vous n'auriez pas la bonté, mon cher cousin, de lui écrire encore un mot au sujet de ce malheureux qui est toujours à Londres, où il est revenu après avoir passé quelque temps à Jersey où le docteur lui avait conseillé d'aller respirer l'air de la mer. Je vais du reste écrire moi-même à M. Vintras, comme il m'y avait d'ailleurs très gracieusement autorisé ; mais votre lettre aura toujours bien plus de poids que la mienne... »

 

 

 

            Les années passent. En juillet 1880, enfin amnistié, Lissagaray rentre en France. Il en profite tout de suite pour provoquer en duel Pont-Jest, le journaliste du Figaro qui a insulté, plus de sept ans auparavant, les réfugiés français de Londres. Pas plus que la première fois, la provocation n'eut de suite.

 

 

 

            Il fonda son propre journal, «  La Bataille », au titre révélateur, dont les outrances lui aliénèrent même les journalistes socialistes révo­lutionnaires. Faute de lecteurs, « La Bataille » disparut en 1885 ; elle ressurgit en 1888 pour se dresser contre le brav' général Boulanger.... Quant à Lissagaray, il continua sa carrière agitée. S'insultant avec Rochefort et son cousin Paul de Cassagnac, tous deux comme lui d'ori­gine noble et qui, Rochefort du moins, avait été de son côté au mo­ment de la naissance de Marianne n° III, il réussit à se faire blesser en duel de nouveau, le 14 janvier 1889, par Rochefort, cette fois, que ses adversaires des petits journaux anti-boulangistes, comme le Grelot, appelaient « Rochefoire », ou « Rochefaible ». Condamné pour diffa­mation, Lissagaray s'essaya au grand jeu électoral, bien porté à l'épo­que il échoua, à Neuilly et dans le Vaucluse. Bien des années après, l'oncle Boussés intercédait toujours en faveur de son incorrigible neveu ; il avait le sens de la famille :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                                      Tarbes le 5 mars 93.

 

Mon cher René.

 

 

 

            Les journaux m'apprennent qu'à la suite d'un duel avec je ne sais qui Lissagaray a été blessé ; dans cette situation je ne me souviens que d'une chose, c'est qu'il est le fils de ma soeur, et je réponds au vif désir de celle-ci en vous priant de voir le blessé, et de me dire si sa mère ou moi pouvons en quoi que ce soit lui venir en aide, et en cas de besoin, contribuer à lui faire donner des soins. Je vous en serai très reconnaissant ; je ne connais pas l'adresse ; mais à la Grande Bataille (sic) il est facile de l'avoir.

 

            Mille pardons, mais vous me comprenez, n'est-ce pas. Soyez assez bon pour me répondre à Toulouse, rue de la Pomme, n° 34.

 

 

 

            Jusqu'au bout, par sa vie agitée, Lissagaray avait occupé sa fa­mille. Il est mort à Paris, en 1901.

 

.

 

 

 

 

 

 

 

SOURCES

 

 

 

Papiers de famille appartenant à M. Patrick Saulnier-Blache.

 

A.Margry : « Deux mariages à Sentis sous la Terreur ». Extrait des Mémoires du Comité Archéologique. Senlis. Imprimerie Eugénie Du­fresne, 4, rue du Puits-Tiphaine, 1907 (16 pages).

 

 

 

NOTES

 

 

 

(1) : Mab est morte en 1965 ;  elle était la dernière de son nom et avait tenu à ce qu'il fut accolé à celui de son mari, M. Louis Saulnier, pensant qu'il serait une recommandation pour ses fils, s'ils suivaient une carrière médicale mais il en fut autrement. C'est dans sa succession que son petit-fils, M. Patrick Saulnier-Blache, mon beau-frère, a trouvé ces papiers, sous ce titre « Lettres adres­sées à mon grand-père et à mon père les docteurs Blache par Madame Lissagaray, née Boussés de Fourcaud, et par son fils Hippolyte Lissagaray. 1857-1870-1871-1876. » « Olympe Boussés de Fourcaud était la fille d'Esther de Salvert Montroignan, soeur de Blanche, mère de mon grand-père Blache. Son fils Hippolyte, mêlé à la Commune, fut aidé par mon grand-père et mon père pour passer en Angleterre. Il avait, du reste, aidé mon grand-père, quelques mois avant, à se réfugier à Senlis il (Gaston Blache) s'était rendu suspect en allant voir son ami M. Deguery, curé de la Madeleine, incarcéré comme otage et depuis exécuté ».

 

            On peut rendre grâce à Henry Blache, le frère de Mab, mort sans enfants, d'avoir gardé et classé ces lettres, qui sont, je crois, tout ce qui existe sur l'évasion et le séjour à Londres de l'historien, proscrit, de la Commune : il n'a pas trouvé sa vie assez importante pour la raconter. C'est dommage : il y eut tant de duels, d'aventures, de polémiques, d'agitation !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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