Cette année 1970 est moins importante au point de vue Journal : elle possède moins de pages, et est moins fournie en détails : les événements sont souvent écrits de façon laconique, à la manière de notes. Les années qui suivent, 1971, 72 et 73, sont également assez minces. Jean semble avoir été moins « inspiré » ces années-là pour écrire son Journal. Il faut dire qu’il commence en 1970 un roman historique, Fontsaguette, et que cela, vraisemblablement, lui prend beaucoup de temps. Enfin, Jean semble plus mélancolique, sans l’énergie qui l’avait « galvanisé » en 1967, 68 et 69, avec l’achat du château, et sa vie somme toute assez sociale et mondaine, notamment avec les officiers du 8e RPIMA. En 1970, beaucoup d’entre eux sont partis en pays étrangers pour deux ans.

 

Journal posthume Jean N.D Escande 1970: "tranches de vie, faute de pain!"

"....qui veux-tu qui édite cela, bourré comme c’est de considérations grinçantes sur l’armée, sur l’Algérie et toutes sortes de choses sacrées en ce pays de cons ? Comment veux-tu qu’un éditeur prenne le risque de se faire interdire ?

 1/ Impossible chez des éditeurs ”d’avant-garde” (Parlons-en de l’avant garde !) pour des raisons de style et même d’idées.

 2/ Impossible chez les autres à cause des idées exprimées là-dedans (avec une belle indépendance d’esprit certes).

 3/ La forme journal, pour un éditeur, est un terme qui les fait fuir ventre à terre (excepté quand c’est celui de quelqu’un de célèbre et si possible dûment enterré).

 4/ Tu n’es pas à Paris pour défendre, face à ces messieurs, ton œuvre. C’est facile de répondre ’’non” par courrier.

 5 / Tu n’as aucun ’’parrain” littéraire, c’est-à-dire quelque nom auquel ils puissent accrocher ton œuvre ; l’original les effraie tant qu’ils préfèrent ne pas le voir."

Journal posthume Jean N.D Escande 1971: souvenirs des uns, fantômes des autres...

« Le 7 ou le 8 décembre 1928, nous faisions le repas mortuaire de mon grand-père, Jean Escande, mort le 6. C'était dans sa maison, la vieille maison des Martinels, nous étions nombreux, il y avait près de 25 personnes, tous de la famille. Pendant le repas il y eût un silence, et à ce moment j'entendis très distinctement depuis l'atelier de mon grand-père, pièce en-dessous de celle où nous dinions, sa voix qui appelait sa femme :

- O Mélie !

Tout à fait comme il faisait d'habitude quand il revenait du jardin : il signalait sa présence avant de monter. Croyant être seul à avoir eu une espèce d'hallucination auditive, j'en parlais quelques semaines plus tard à Emilie, ma grand-mère, puis à ma mère, à mon oncle Eugène... Tous les gens présents au repas avaient entendu tout comme moi cette voix insolite, mais personne n'en avait parlé. Du reste, la conversation avait repris sans que personne n’ait fait allusion à cet appel. Ma grand-mère mourut bien des années après, en 1941.